Mexique : le « candichat » s'appelle Morris

30 Juillet 2013



« Marre de voter pour des rats ? Votez le chat du peuple. Votez Morris ! » Le 7 juillet dernier, le « candigato Morris » était candidat aux élections de la municipalité de Xalapa, dans l’État de Veracruz, au Mexique. Née de la volonté de parodier les campagnes électorales de Xalapa, la candidature du félin, soutenue par deux étudiants, a véritablement créé le buzz dans les médias. Le Journal International a rencontré Daniel Cruz et Sergio Chamorro.


Crédits photo -- Juan Carlos Vazquez | juancarlosvazquez.com
Crédits photo -- Juan Carlos Vazquez | juancarlosvazquez.com
Dans cette ville de 400 000 habitants, la déception s’est emparée des citoyens suite aux résultats des élections fédérales de 2012, remportées par la gauche, qui ont fait le fruit d’enquêtes frauduleuses. Une idée a alors germé dans la tête de ces deux étudiants, Daniel Cruz et Sergio Chamorro : « parodier les élections en les envisageant comme une farce ou une mise en scène ». Le concept est simple : se servir de leur chat pour se moquer des candidats officiels. Leur stratégie ? Réunir, à l’aide des réseaux sociaux, les Mexicains de Xalapa lassés de la classe politique gangrénée par la corruption.

Morris a été propulsé dans la course aux municipales comme symbole du rejet des hommes politiques et de la manière dont ils mènent leur campagne majoritairement financée par l’argent public. Dans cette bataille électorale, les candidats officiels ont été rebaptisés « rats » et Morris faisait la promesse de débarrasser la ville de ces rongeurs.

« Qui se cache derrière Morris ? »

Derrière la candidature de Morris se cachent Daniel Cruz et Sergio Chamorro rejoints par des amis proches suite au buzz dans les médias. L’équipe de 12 personnes s’est encore agrandie avec quelques « fans » pour atteindre un objectif concret. La campagne du « candichat » s’est basée exclusivement sur les réseaux sociaux. « Nous ne sommes jamais descendus dans la rue sauf pour vendre des articles sur Morris sur la place publique ». Avec un nombre de mentions « J’aime » sur Facebook dépassant celui du favori dans la course à la mairie, Amrico Zuñiga, et un compte Twitter avec plus de 10 000 abonnements, « El Candigato » (en français, gato signifie chat) a les armes pour frustrer les autres candidats.

La candidature de Morris n’est pas seulement un petit projet parodique. Ils doivent le développement du mouvement « Morris » aux fans de la page Facebook. C’est pour cette raison que toute personne qui s’identifie aux idées du « candichat » peut rejoindre l’aventure. Ce sont des citoyens ordinaires sans appartenance politique, mais engagés contre ceux qui les gouvernent et qui acceptent de travailler et gérer la page de Morris pendant leur temps libre.

Le « candichat » en campagne

L'objectif de leur campagne est de « protester pacifiquement contre le système des partis qui ne nous représente pas en tant que citoyens ». La campagne de Morris était un véritable défi, et ils ont réussi à montrer qu’avec de l’ingéniosité et de la créativité, une telle campagne pouvait être menée à son terme : une belle leçon pour les partis politiques mexicains dont les campagnes sont financées, en majeure partie, par les impôts. La candidature de Morris a aussi permis de mesurer le niveau d’insatisfaction de la population même si le nombre exact de votes pour le « candichat » reste difficile à établir.

Morris, considéré par les autorités comme candidat non enregistré, n’a pas eu le droit de voir inscrit son nom sur les bulletins de vote. Son équipe de campagne avait alors encouragé ceux qui soutenaient le félin à mettre des bulletins marqués du nom de Morris ou dessinés avec une tête de chat. Ce à quoi les fonctionnaires de Xalapa avaient répondu en avertissant la population que ces bulletins seraient enregistrés comme votes nuls. En comptabilisant ces mêmes votes, le chat est arrivé en quatrième position avec plus de 12 000 voix dans cette élection municipale où neuf partis et sept candidats se sont affrontés.

C’est un véritable message qu’envoie Morris à toute la classe politique et surtout au parti élu, le parti révolutionnaire institutionnel [PRI] avec, à sa tête, Americo Zuniga, qui doit prendre garde, car « les chats ont 7 vies ». Plus important encore, cette initiative animale marque l’ouverture des portes de la vie politique aux candidats citoyens. L’avenir de Morris en politique est encore incertain. Des décisions sont sur le point d’être prises, et peut-être que le désir des fans de voir le chat sur le devant de la scène politique sera pris en compte. En tout cas, Morris est en passe de « devenir un symbole de la lutte contre certains aspects de la vie politique nationale ».

Des animaux au pouvoir ?

Le ras-le-bol de la population est général. Il n’est pas cantonné à la seule municipalité de Xalapa. C’est ainsi qu’on a vu naître dans chaque ville importante des 14 États en élection du Mexique une candidature animale. Représentatives du mécontentement des citoyens face à l’incapacité des gouvernements successifs à améliorer leurs conditions de vie, ces candidatures ont pour but de mettre en difficulté ces hommes politiques qui ont tendance à favoriser leurs intérêts.

Lors de sa campagne Morris a été soutenu par Stubbs, un chat maire, depuis 15 ans déjà, du village Talkeetna en Alaska. Cette candidature, née d’une plaisanterie, est survenue suite aux mécontentements des habitants face aux candidats humains en liste. Et c’est un pari gagné puisque le félin est arrivé en tête lors des élections en 1997. Le mandat est purement symbolique, Stubbs ne possède aucun pouvoir politique puisque le village fait partie du district Matanuska-Susitna gouverné par un autre maire, cette fois-ci bien humain. Tout de même, sa fonction bien qu’honorifique lui a permis de devenir l’attraction touristique de son village.

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